La passion de mon père Ferdinando pour le vin est née de manière inattendue, presque par hasard. Après avoir terminé ses études de comptabilité, il pouvait encore se dire abstinent parce qu'il n'aimait pas le vin produit et servi par son grand-père Adolfo dans sa taverne de la basse province de Trévise. Il servait les tables, aidait au comptoir et se rendait parfois dans les champs pour les vendanges, mais le goût âcre, typique des vins de la région, ne lui avait jamais permis de tomber amoureux de ce liquide parfumé. S'il n'avait pas décidé d'abandonner la vie d'aubergiste, en partie pour des raisons financières et en partie parce que la dimension provinciale était trop petite pour lui, en acceptant un emploi en Afrique occidentale au service d'une société de transport française, cette histoire d'I Clivi n'aurait probablement jamais été écrite. En effet, dans les années qui suivirent, il commença à voyager beaucoup, passant souvent par Paris, où il eut l'occasion de découvrir qu'en plus du vin de l'osteria de Trévise, il existait sur le marché des bouteilles de grande valeur que l'on pouvait facilement se procurer dans la capitale française. Contre toute attente, sa passion pour le vin est née, non seulement pour sa valeur hédoniste mais surtout pour sa valeur culturelle et historique. Bourgogne, Bordeaux, Champagne, mais aussi de nombreux vins frioulans de producteurs historiques comme Schiopetto, Gravner, Jermann, Abbazia di Rosazzo, Ronchi di Cialla, Barolo de Giacosa et Mascarello, Toscane de Montevertine, parmi tant d'autres, ont accompagné les dîners et les soirées de mon père entre les années soixante et la fin des années quatre-vingt. C'était un grand travail de recherche et d'approfondissement dans lequel il m'emmenait souvent, à une époque où il n'y avait pas de battage médiatique sur le vin, ni sur les œnologues et les étiquettes en tant que marque. C'était une époque sans idées préconçues, avec des prix abordables et où la substance, donc le contenu, valait bien plus que l'étiquette et le contenant. Dans les années qui ont suivi, en Afrique, mon père a commencé à réfléchir à l'achat d'un domaine dans le Frioul, pour parvenir, au milieu des années 90, à couronner ce désir en s'installant définitivement en Italie, à Brazzano di Cormons, la terre natale de ma mère. Il s'agit simplement d'un petit vignoble de deux hectares avec de vieilles vignes, sur le versant sud du Monte Quarin.